mercredi 9 décembre 2009

La semana del venezolano

Pénurie d'eau, d'électricité, de sucre et de café...
Grève des étudiants, manifestations, séquestrations, barrages policiers, rues fermées, pneus brulés, voitures bloquées, embouteillées, et ça klaxonne de tous côtés, à longueur de journée...
Fermeture annoncée de 4 banques ...
Feux d'artifices de nuit et de journée, ça pétarade dans tous les quartiers, pour se préparer aux fêtes de la Nativité...

Ce matin une tension a envahi l’air, ce matin je sens comme des ondes négatives qui oppressent la ville… et ce malgré le soleil qui rend le Mont Bolivar plus étincellant que jamais…


Et ce n'est que le 1er décembre...


Une semaine a passé...

Les quelques banques annoncées ont réellement fermé (leurs patrons s’étant semble-t-il suffisamment enrichis !?). Le gouvernement a promis de rembourser jusqu’à 10000 BFS aux détenteurs de compte ; dommage pour ceux qui en avaient 15 ou 20000 ! Par crainte que d’autres banques subissent le même sort, les files devant les guichets (qui sont déjà gigantesques en tant normal) se sont encore allongées, les gens préférant, et on les comprend, récupérer leur pécule avant de le voir disparaitre… mais d’autres l’ont bien compris aussi… et certains attendent avec patience et arme en main aux angles de rues pour récupérer les billets des fonds des poches.

Toujours des coupures d'eau mais personne ne sais vraiment pourquoi... alors que pourtant, avec ce qu’il est tombé le mois dernier!…

Idem pour l'électricité, mais voila une nouvelle raison après toutes celles évoquées précédemment, maintenant il semble que outre le fait qu'il y a un surplus de consommation pas assez anticipé par l'Etat (certes on ne peut pas tout faire: améliorer le quotidien des plus démunies en distribuant de l'alimentation quasi gratuite, financer les "comedores" (restos U) gratuits pour les étudiants, acheter des armes...), outre le fait qu'il n'a pas assez plu et que les barrages ne peuvent pas produire assez, après la raison des riches qui ont des piscines et celle des centres commerciaux qui consomment trop, voilà que maintenant c'est la faute de la Colombie qui ne veut plus vendre son électricité à son voisin... Heureusement qu'il y a du pétrole pour les groupes électrogènes et du gaz pour cuisiner...!
Mais après une ou deux semaines durant lesquelles cela semblait s’être arrangé, voilà qu’à nouveau les coupures paralysent la ville, une ou deux fois par jour pour chaque quartier. Si je n’ai pas de bol, je quitte l’alliance dans le noir, et voilà que ça s’éteint "en el Campito", et que comme les indiens autour du feu, nous nous regroupons dans un des chambres autour de la lueur de ma lampe à dynamo, qu’il faut recharger toutes les cinq minutes !!
Hier soir encore, alors que la moitié de la ville était dans le noir, les gens ont sorti les casseroles et sont descendus dans la rue pour protester. Cela a fini par dégénérer, ils s’en sont pris aux centres de paiement de l’électricité, qu’ils ont caillardé avant de s’en prendre aux bâtiments voisins. Tapage, jets de pierres, blocage de l’avenue Las Americas, incendies de pneus et de poubelles, ont fini par attirer un convoi de soldats qui ont calmé tout ca en tirant des balles lacrymogènes sur les façades des immeubles. A suivre…

Plus de sucre depuis quelques semaines... sûrement car le prix d'achat est trop bas pour les producteurs... le café est enfin revenu, après avoir manqué aussi plusieurs semaines , mais ça c'est parce que malgré le grand nombre de plantations, l'Etat, qui contrôle le prix d’achat du grain, le laisse à un prix bien trop bas, et surtout inférieur à ce qu’offre la Colombie. Du coup, le Venezuela produit, mais les vénézuéliens boivent du café estampillé « de Colombia ».

Comme chaque année fin novembre, les étudiants manifestent… chacun a une bonne raison, mais personne ne sait vraiment pourquoi. La raison qui semble tout de même rassembler tout le monde est pour faire arrêter les cours et avoir plus de vacances de Noël. Ça permet de commencer à se bourrer la gueule plus tôt!? Car bien sûr, il n’y a pas de lutte digne de ce nom sans alcool pour alimenter tout ca !
Il semble que cette année l’élément déclencheur ait été la colère d’un étudiant d’ingénierie qui, passant sa thèse et accusé de plagiat par le prof, s’en est pris à celui-ci ainsi qu’à sa voiture… Il n’en fallait pas plus pour que le mot d’ordre de grève soit lancé, que les étudiants bloquent les universités, les avenues, menacent et commencent à tout saccager… la police ne pouvant entrer dans les enceintes des facs, ceux qui veulent encore étudier se retrouvent pris au piège… Le recteur a fini par ordonner la fermeture de l’ingénierie, mais la grogne a gagné les autres antennes. Lundi matin, le mouvement est descendu de l’"Halchicera" pour se concentrer au centre ville. Des opportunistes ont profité de ces perturbations pour séquestrer le propriétaire du supermarché qui fait angle entre l’avenue Las Americas et le viaduc pour réclamer une rançon. D’habitude ils fonctionnent plutôt en menaçant les gens qui passent des petites annonces pour vendre leur maison ou leur voiture, et finissent par les descendre en pleine rue s’ils ne payent pas…
Mais revenons à nos manifestants… lundi donc, ils se sont attaqué à médecine, non loin de l’alliance. Les avenues, fermées par la police, se sont vite transformées en champs de bataille, envahies par les "encapuchados" (qui ne sont en fait qu’une minorité d’étudiants) qui luttaient à coup de pierres, de pneus brulés et de cocktails Molotov contre des flics qui leur tiraient dessus aux balles lacrymogènes. Malgré l’air vicié par ces fumées irritantes, la lutte a duré cinq ou six heures. Les magasins alentours n’ont d’autres choix que de fermer pour protéger leurs marchandises. Aujourd’hui il semble que ca va être pire, le service de bus est suspendu depuis 15h et ils encore là... Et ce malgré que la décision de fermer toutes les universités jusqu’au 11 janvier soit quasiment entérinée.
Affaire à suivre… mais avec tout ça, on ne sait plus quel sont les bruits de balles ou de feux d’artifice…
Noël sans lumière ne sera pas sans bruit !


La tension flotte toujours dans l’air, le désespoir et la peur commencent à se lire dans les yeux de certaines personnes, chacun essaie de trouver une explication à tout ça ou se refugie dans ce qu’il peut pour ne pas y penser…
Heureusement qu’il y a toujours de la bière !


Malgré tout ce que je viens de raconter, plus sur le coup de la désolation de voir comment ce pays s’autodétruit que pour expier une quelconque frayeur interne, Papa, Maman, n’allaient pas croire que le danger guette à chaque coin de rue… Je suis attentive aux conseils des gens qui m’entourent … Mais sentir comment cette ville, ce pays respirent, comment mes voisins tentent de vivre malgré tout et partager ce quotidien ne me laissent forcement pas indifférente… alors je l'écris, certainement avec des inexactitudes dans la narration des faits mais surtout comment je le ressens.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Hey Cousine Cuidaté!
Pour les banques un reportage très intéressant ici: http://www.dailymotion.com/video/x75e0k_largent-dette-de-paul-grignon-fr-in_news
ciao ciao